La dégénérescence cortico-basale (DCB) est une maladie neurodégénérative rare qui touche le cerveau, en particulier le cortex cérébral et les noyaux gris profonds. Il s’agit d’un syndrome parkinsonien atypique se manifestant par des troubles du mouvement ainsi que des troubles cognitifs progressifs. Décrite pour la première fois à la fin des années 1960, cette affection reste mal connue du grand public en raison de sa rareté et de la complexité de ses symptômes. Souvent, ses premiers signes peuvent évoquer la maladie de Parkinson, ce qui peut retarder le diagnostic précis.
Sommaire
D’un point de vue biologique, la dégénérescence cortico-basale appartient à la famille des « tauopathies ». Cela signifie qu’elle est caractérisée par l’accumulation anormale d’une protéine appelée tau dans certaines régions cérébrales, entraînant la mort progressive des neurones. À mesure que ces lésions cérébrales s’étendent, le patient voit apparaître divers symptômes moteurs et cognitifs. Aucune cause précise n’a été identifiée à ce jour, et il n’existe pas de traitement curatif permettant de stopper l’évolution de la maladie. La prise en charge vise essentiellement à soulager les symptômes et à améliorer la qualité de vie du patient.
Qu’est-ce que la dégénérescence cortico-basale ?
La dégénérescence cortico-basale est une maladie neurodégénérative progressive qui affecte à la fois les capacités motrices et les fonctions cognitives. Son nom provient des régions du cerveau qu’elle touche : le cortex (la couche externe du cerveau, siège de nombreuses fonctions supérieures) et les noyaux gris profonds (situés à la base du cerveau et impliqués dans le contrôle des mouvements). Dans la DCB, les neurones de ces zones subissent une dégénérescence progressive, ce qui perturbe le fonctionnement normal du cerveau.
Il s’agit d’une pathologie appartenant aux syndromes parkinsoniens atypiques, également appelés syndromes « Parkinson-plus ». Autrement dit, la DCB provoque des symptômes qui rappellent la maladie de Parkinson (ralentissement moteur, rigidité musculaire, troubles de l’équilibre), tout en s’en distinguant par d’autres manifestations.
En effet, la présentation clinique de la DCB est particulièrement complexe et variable. Typiquement, on observe une atteinte très asymétrique : un côté du corps est nettement plus affecté que l’autre. De plus, des troubles comme l’apraxie (difficulté à réaliser des gestes coordonnés), la dystonie (posture anormale d’un membre) ou encore le phénomène du « membre étranger » (impression qu’un bras ou une main agit de façon incontrôlée) font partie du tableau. Ces éléments ne se retrouvent pas dans le Parkinson classique, ce qui fait de la DCB une entité à part.
Est-ce une maladie fréquente ?
Non, la dégénérescence cortico-basale est considérée comme l’une des maladies neurodégénératives les plus rares. On l’estime à seulement quelques cas par million de personnes. Par exemple, en France, on recense probablement moins de 5000 patients atteints sur toute la population. Cela correspond à une prévalence d’environ 1 à 2 cas pour 100 000 habitants. Au Québec, on estime qu’entre 50 et 100 personnes seulement seraient concernées. Ces chiffres restent des estimations, car la DCB est souvent sous-diagnostiquée ou confondue avec d’autres maladies, notamment au début.
La DCB touche le plus souvent des sujets d’âge mûr ou avancé. L’apparition des symptômes survient généralement entre 50 et 70 ans, avec un âge moyen aux alentours de 60 ans. Il est exceptionnel d’observer cette pathologie avant la quarantaine. Les hommes et les femmes peuvent être affectés; certaines études suggèrent une légère prédominance féminine, mais la différence n’est pas majeure. La rareté de la maladie fait qu’elle est peu connue même de certains professionnels de santé, ce qui contribue à des errances diagnostiques chez les patients.
Quelles en sont les causes ?
Les causes exactes de la dégénérescence cortico-basale demeurent inconnues à ce jour. On sait toutefois que le mécanisme principal est l’accumulation anormale de la protéine tau dans le cerveau. Cette accumulation entraîne la formation d’amas pathologiques à l’intérieur des neurones et finit par provoquer la mort de ces cellules nerveuses.
La DCB fait ainsi partie des maladies appelées tauopathies, au même titre que d’autres affections neurodégénératives comme la paralysie supranucléaire progressive ou la maladie d’Alzheimer (qui, elles aussi, présentent une pathologie liée à la protéine tau).
À ce stade, aucun facteur déclenchant environnemental n’a été formellement identifié. Contrairement à d’autres maladies neurologiques, la DCB ne présente pas de forme héréditaire connue. Les cas familiaux décrits sont extrêmement rares et aucun gène spécifique n’a été mis en évidence comme cause directe.
On suppose que certaines variations génétiques pourraient légèrement augmenter la susceptibilité à développer la maladie, sans que cela soit déterminant. Le principal facteur de risque établi est l’âge : plus l’on avance en âge, plus le risque augmente. La maladie n’apparaît pour ainsi dire jamais chez de jeunes adultes.
En dehors de l’âge, aucun autre facteur de risque clair (comme une exposition toxique ou un antécédent particulier) n’a été confirmé par la recherche. En l’état actuel des connaissances, la dégénérescence cortico-basale résulte donc d’un processus neurodégénératif spontané dont on ne maîtrise pas encore les causes initiales.
Quels signes doivent inquiéter ?
Les symptômes de la DCB s’installent insidieusement et tendent à s’aggraver progressivement. Ils présentent la particularité d’être asymétriques : souvent, un seul côté du corps est affecté de façon marquée au début. Plusieurs signes cliniques caractéristiques peuvent faire suspecter cette maladie :
- Lenteur et rigidité d’un côté du corps : un ralentissement des mouvements (bradykinésie) et une raideur musculaire touchant préférentiellement un bras ou une jambe, évoquant un syndrome parkinsonien asymétrique.
- Difficulté à réaliser des gestes coordonnés (apraxie) : la personne n’arrive plus à effectuer correctement des mouvements ou des actions pourtant simples du quotidien, surtout avec le membre affecté, malgré une force musculaire conservée.
- Posture anormale d’un membre (dystonie) : un bras ou une main peut adopter involontairement des positions étranges ou figées, par contraction musculaire soutenue.
- Mouvements involontaires brusques (myoclonies) : des secousses musculaires brèves et incontrôlables peuvent survenir dans le membre touché, traduisant un dysfonctionnement de la commande motrice au niveau du cerveau.
- Impression d’un membre “étranger” : le patient peut avoir le sentiment qu’une main ou un bras ne lui obéit plus et agit de son propre chef (ce phénomène, appelé parfois “main capricieuse”, est très évocateur de la DCB).
- Troubles cognitifs et du langage : dans un stade initial, les fonctions intellectuelles sont souvent préservées, mais des difficultés peuvent apparaître au fil de l’évolution. Il peut s’agir de troubles de la planification, de l’attention, de la parole (par exemple une aphasie ou une difficulté à trouver ses mots) et plus tardivement de troubles mnésiques.
- Troubles sensoriels corticaux : certaines personnes perdent la capacité de reconnaître un objet au toucher ou ne perçoivent plus correctement un stimulus sur la peau du côté affecté, en l’absence de problème sensoriel périphérique. Ce trouble sensoriel dû aux lésions cérébrales est également un signe possible.
Face à l’apparition de tels symptômes inhabituels, surtout s’ils sont asymétriques et s’aggravent progressivement, il est nécessaire de consulter un neurologue. Ce dernier pourra effectuer un examen clinique approfondi. Ce type de tableau clinique doit alerter sur une cause neurologique dégénérative telle que la DCB ou un syndrome apparenté. Plus le diagnostic est évoqué tôt, mieux on pourra adapter la prise en charge du patient.
Comment la diagnostiquer ?
Établir le diagnostic de la dégénérescence cortico-basale s’avère particulièrement difficile en pratique clinique. Il n’existe pas de test de dépistage simple ni de biomarqueur spécifique dans le sang ou le liquide céphalorachidien. Le diagnostic repose donc avant tout sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques.
Le neurologue s’appuie sur l’examen clinique pour identifier le syndrome corticobasal (association des signes décrits plus haut). La présence simultanée de plusieurs symptômes caractéristiques (apraxie, dystonie, myoclonies, asymétrie marquée, etc.) chez un patient d’un certain âge oriente vers ce diagnostic.
Des examens d’imagerie cérébrale sont généralement réalisés pour appuyer le diagnostic et écarter d’autres causes. L’IRM cérébrale peut montrer une atrophie (réduction de volume) de certaines régions du cerveau, notamment du cortex et des noyaux gris profonds du côté le plus touché. Cependant, en début de maladie, l’IRM peut être peu spécifique ou normale.
Des examens fonctionnels comme la TEP scan (tomographie par émission de positons) ou le DAT-scan (imagerie du transporteur de la dopamine) peuvent mettre en évidence une diminution asymétrique de l’activité cérébrale ou de l’innervation dopaminergique, renforçant l’orientation diagnostique vers un syndrome parkinsonien atypique. Ces examens aident à exclure d’autres pathologies, mais ne permettent pas d’établir un diagnostic certain de DCB.
La DCB étant souvent confondue avec la maladie de Parkinson à ses débuts, certains critères permettent de les différencier. Le tableau suivant compare quelques caractéristiques clés :
Caractéristique | Maladie de Parkinson | Dégénérescence cortico-basale |
---|---|---|
Âge moyen de début | Vers 60 ans (variable) | Vers 60 ans (similaire) |
Symétrie des symptômes | Généralement asymétrique au début, puis bilatéral | Très asymétrique, un côté nettement plus atteint |
Tremblement de repos | Fréquent, signe cardinal | Souvent absent ou discret |
Efficacité de la lévodopa | Bonne amélioration des symptômes | Peu ou pas d’effet notable |
Signes spécifiques | Pas d’apraxie ni myoclonies, pas de « main étrangère » | Apraxie, dystonie précoce, myoclonies, possible « main étrangère » |
En pratique, le diagnostic de certitude de la dégénérescence cortico-basale ne peut être posé qu’à l’examen neuropathologique du cerveau (généralement post-mortem), qui révèle les dépôts de protéine tau et les lésions caractéristiques. Néanmoins, les médecins peuvent établir de leur vivant un diagnostic probable de DCB en se basant sur la présentation clinique du patient, l’exclusion d’autres causes par les examens complémentaires, et le suivi de l’évolution dans le temps. Il est important de consulter dans des centres spécialisés en neurologie ou en maladies neurodégénératives rares pour bénéficier de l’expertise nécessaire à l’identification de cette affection.
Existe-t-il un traitement ?
À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement curatif capable de stopper ou de ralentir la progression de la dégénérescence cortico-basale. La prise en charge repose donc sur un traitement symptomatique et un accompagnement multidisciplinaire afin d’améliorer le confort et la qualité de vie du patient. Concrètement, plusieurs approches thérapeutiques complémentaires sont mises en œuvre :
- Médicaments antiparkinsoniens : bien que l’efficacité de la lévodopa soit très limitée dans la DCB, ce médicament est souvent essayé à des doses élevées dans l’espoir d’atténuer la rigidité et la lenteur motrice. D’autres traitements utilisés dans la maladie de Parkinson, comme l’amantadine, peuvent être testés pour cibler certains symptômes (par exemple, l’amantadine peut légèrement améliorer la marche chez certains patients, même si son usage est limité par des effets secondaires).
- Traitement des troubles moteurs spécifiques : pour les spasmes et raideurs musculaires (dystonie), des relaxants musculaires tels que le baclofène ou la tizanidine peuvent être prescrits. Des injections de toxine botulique sont également utilisées pour soulager la dystonie focalisée d’un membre. En cas de myoclonies gênantes, des médicaments anticonvulsivants comme le lévétiracétam ou des benzodiazépines (par exemple le clonazépam) peuvent réduire la fréquence des secousses.
- Rééducation et thérapies de soutien : la kinésithérapie (physiothérapie) est indispensable pour entretenir la mobilité, améliorer l’équilibre et conseiller sur l’utilisation d’aides à la marche (canne, déambulateur) afin de prévenir les chutes. L’ergothérapie aide le patient à adapter son environnement et ses gestes du quotidien, malgré les limitations motrices (installation de barres d’appui, aménagement du domicile, etc.). L’orthophonie intervient si des troubles de la parole ou de la déglutition apparaissent, en proposant des exercices pour la voix et des adaptations alimentaires pour éviter les fausses routes.
- Prise en charge nutritionnelle et soins : en cas de difficulté sévère à avaler (risque de fausse route et de pneumonie par aspiration), une alimentation adaptée est mise en place ; dans certains cas avancés, une sonde de gastrostomie (alimentation directe dans l’estomac) peut être envisagée pour sécuriser les apports nutritionnels. Par ailleurs, une attention particulière est portée à la prévention des complications (par exemple, prévention des escarres si la mobilité est réduite, vaccination antigrippale et anti-pneumocoque pour diminuer le risque de pneumonie).
- Soutien psychologique et social : vivre avec une maladie neurodégénérative comme la DCB est éprouvant pour le patient et ses proches. Un accompagnement psychologique, des groupes de parole ou l’intervention d’un psychologue peuvent aider à faire face à l’anxiété, à la dépression ou à l’adaptation progressive aux pertes fonctionnelles. Les aidants familiaux bénéficient également de conseils et de soutien pour gérer au quotidien la perte d’autonomie de leur proche. Il est important que le patient soit suivi dans un centre spécialisé, où une équipe pluridisciplinaire (neurologues, infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes, assistantes sociales, etc.) coordonne les différents aspects du traitement.
La dégénérescence cortico-basale ne se guérit pas, mais une prise en charge adaptée peut atténuer certains symptômes et améliorer la qualité de vie. La recherche médicale se penche sur de nouvelles approches thérapeutiques (médicaments neuroprotecteurs, immunothérapies ciblant la protéine tau, etc.), mais à ce jour aucun traitement n’a démontré d’efficacité pour modifier l’évolution de la maladie. L’essentiel est donc d’accompagner le patient de façon globale, en traitant ce qui peut l’être et en anticipant les complications liées à cette affection évolutive.