L’embolie pulmonaire : causes, symptômes chez les personnes âgées

Embollie pulmonaire

L’embolie pulmonaire est l’obstruction soudaine d’une ou plusieurs artères des poumons par un caillot sanguin, constituant une urgence médicale potentiellement mortelle. Cette pathologie représente la 3e cause de mortalité d’origine cardiovasculaire, après l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral, avec environ 10 000 décès par an en France. Chez les personnes âgées, l’embolie pulmonaire est particulièrement redoutée en raison de la fréquence accrue de facteurs de risque dans cette tranche d’âge et de symptômes parfois moins spécifiques.

Causes et facteurs de risque chez les personnes âgées

L’embolie pulmonaire survient généralement lorsqu’un thrombus (caillot sanguin) formé dans la circulation veineuse, le plus souvent au niveau des jambes ou du bassin (phlébite ou thrombose veineuse profonde), migre et vient bloquer l’artère pulmonaire ou l’une de ses branches. Chez les personnes âgées, plusieurs facteurs expliquent la fréquence plus élevée de cet événement.

D’abord, l’âge avancé est un facteur de risque majeur : l’incidence de l’embolie pulmonaire augmente fortement avec l’âge. Par exemple, chez les plus de 80 ans, elle atteint environ 1 % par an (soit 1 cas pour 100 personnes chaque année), alors qu’elle n’est que de 0,01 % (1 cas pour 10 000) avant 40 ans. En outre, les seniors cumulent souvent des facteurs favorisants comme :

  • une mobilité réduite ou un alitement prolongé (par exemple après une hospitalisation ou une chirurgie) ;
  • des interventions chirurgicales récentes, en particulier orthopédiques ou abdominales ;
  • la présence de maladies chroniques (insuffisance cardiaque ou respiratoire, troubles de la coagulation) ;
  • un cancer actif ou des antécédents de cancer (facteur fréquent d’embolie pulmonaire, présent chez près de 30 % des patients) ;
  • des antécédents personnels de phlébite ou d’embolie pulmonaire (risque de récidive), ou une prédisposition familiale aux thromboses.

En France, on a dénombré plus de 60 000 hospitalisations en 2022 pour une maladie thrombo-embolique veineuse (phlébite et embolie pulmonaire confondues), illustrant l’ampleur de ce problème de santé chez les adultes âgés. Par ailleurs, certaines situations comme la déshydratation, l’obésité ou la prise prolongée de certains traitements (traitements hormonaux, chimiothérapie) peuvent également contribuer à augmenter le risque de formation de caillots sanguins chez les aînés.

Enfin, il est à noter que l’immobilisation prolongée, fréquente chez les personnes âgées fragiles, favorise la stase du sang dans les veines des membres inférieurs et constitue un mécanisme principal dans la genèse de nombreuses embolies pulmonaires.


Symptômes de l’embolie pulmonaire chez les aînés

Les symptômes de l’embolie pulmonaire peuvent être variés et parfois discrets chez la personne âgée, ce qui rend le diagnostic plus difficile. Néanmoins, plusieurs signes cliniques doivent alerter :

  • Essoufflement soudain (dyspnée brutale) : difficulté respiratoire apparaissant de façon aiguë, sans cause apparente évidente.
  • Douleur thoracique de type pleurale : douleur dans la poitrine, souvent augmentée par une inspiration profonde ou la toux.
  • Tachycardie (accélération du rythme cardiaque) ou palpitations : le cœur s’emballe en réaction à l’obstruction vasculaire et au manque d’oxygène.
  • Toux avec hémoptysie : toux pouvant s’accompagner de crachats teintés de sang (signe inconstant mais évocateur lorsqu’il est présent).
  • Malaise ou syncope : une sensation de vertige, un évanouissement ou une chute brutale de la tension artérielle peuvent survenir, surtout si l’embolie pulmonaire est massive.

Chez les sujets plus âgés, ces manifestations peuvent être atypiques ou moins nettes. Par exemple, une personne souffrant déjà d’insuffisance respiratoire chronique ou de problèmes cardiaques pourra attribuer son essoufflement à sa condition préexistante, retardant l’appel aux soins. De même, la douleur thoracique peut passer inaperçue ou être atténuée chez certains patients âgés (notamment en cas de neuropathie diabétique ou de traitements antalgiques concomitants).

Embolie pulmonaire

Il arrive aussi que l’embolie pulmonaire se manifeste chez l’aîné par une dégradation inexpliquée de l’état général, une agitation ou une confusion soudaine, sans tableau clinique typique. Face à de tels signes, même peu spécifiques, il est impératif de suspecter une embolie pulmonaire et de réaliser des examens diagnostiques appropriés (tels qu’un dosage des D-dimères suivi d’une angiographie thoracique par scanner) pour confirmer le diagnostic.

Une embolie pulmonaire non détectée et non traitée à temps peut entraîner des complications graves, voire le décès. Selon les registres internationaux, le taux de mortalité atteint environ 17 % à trois mois sans prise en charge adéquate.

En revanche, si le diagnostic est posé rapidement et que le traitement anticoagulant est instauré sans délai, la mortalité peut être réduite à environ 1 %. Ces chiffres soulignent l’importance d’identifier rapidement les symptômes chez les personnes âgées et de débuter le traitement en urgence.


Traitement de l’embolie pulmonaire chez les personnes âgées

Le traitement de l’embolie pulmonaire doit être instauré en urgence dès que le diagnostic est évoqué, car le pronostic vital du patient peut en dépendre. Chez la personne âgée, la prise en charge suit globalement les mêmes principes que pour l’adulte plus jeune, tout en prenant en compte les particularités liées à l’âge (fragilité, maladies associées, risque hémorragique accru). Les principales mesures thérapeutiques comprennent :

  • Anticoagulation immédiate : l’administration d’un anticoagulant est le pilier du traitement. Le plus souvent, on débute par une héparine (sous forme d’héparine de bas poids moléculaire injectée par voie sous-cutanée, ou d’héparine non fractionnée en intraveineux) afin de prévenir l’extension du caillot. Par la suite, un relais par anticoagulant oral est instauré pour une durée d’au moins trois à six mois (voire plus longuement chez les patients à haut risque de récidive). Les nouvelles classes d’anticoagulants oraux directs (AOD) sont fréquemment utilisées de nos jours en raison de leur facilité d’emploi (pas de prise de sang de routine pour la surveillance) ; toutefois, chez les seniors, le choix de la molécule et de la dose doit tenir compte de la fonction rénale, du poids et des interactions médicamenteuses afin de minimiser le risque de saignement.
  • Thrombolyse ou thrombectomie en cas d’embolie grave : si l’embolie pulmonaire est massive, qu’elle compromet le fonctionnement cardiaque (choc cardiogénique, hypotension sévère) ou qu’elle entraîne une détresse respiratoire aiguë, un traitement fibrinolytique (médicament destiné à dissoudre le caillot) peut être administré en urgence, sauf contre-indication. Chez les personnes très âgées, cette option est discutée au cas par cas en raison du risque hémorragique élevé. Parfois, une intervention de thrombectomie (retrait mécanique du caillot par cathéter) est envisagée dans les centres spécialisés, notamment si la thrombolyse est contre-indiquée.
  • Oxygénothérapie et support ventilatoire : une oxygénothérapie est souvent mise en place pour corriger l’hypoxémie (faible taux d’oxygène dans le sang). Dans les formes sévères avec insuffisance respiratoire aiguë, une assistance ventilatoire non invasive (masque) ou une intubation peuvent s’avérer nécessaires temporairement.
  • Prise en charge des facteurs déclenchants et surveillance : parallèlement, il convient de traiter la cause sous-jacente si elle est identifiable (par exemple, une chirurgie récente ou une immobilisation prolongée requièrent des mesures de rééducation précoce pour remobiliser le patient). Une surveillance étroite en unité de soins intensifs est souvent justifiée initialement pour observer l’évolution clinique, ajuster le traitement anticoagulant et détecter d’éventuelles complications (choc, récidive embolique, saignements liés au traitement).

Chez un patient âgé, le suivi du traitement anticoagulant au long cours doit être particulièrement rigoureux. Des consultations de suivi sont planifiées pour contrôler l’efficacité du traitement, ajuster la posologie si nécessaire et surveiller la tolérance (apparition d’hématomes, saignements de nez, saignements digestifs, etc.).

En raison de la fragilité accrue, il est parfois envisagé d’adapter la durée du traitement anticoagulant en fonction du profil du patient et du contexte de survenue de l’embolie (embolie provoquée par un facteur transitoire comme une chirurgie, versus embolie spontanée sans cause retrouvée qui justifie un traitement plus prolongé).

Dans certains cas très particuliers, notamment si le risque de nouvelles embolies est élevé et que les anticoagulants sont contre-indiqués (par exemple en raison d’un risque hémorragique majeur ou de saignements actifs), une option préventive invasive peut être discutée : la mise en place d’un filtre cave.

Il s’agit d’un petit dispositif inséré dans la veine cave inférieure (la grande veine ramenant le sang des jambes vers le cœur) pour piéger les caillots avant qu’ils n’atteignent les poumons. Cette mesure est exceptionnelle et transitoire, mais peut être salvatrice chez certains patients ne pouvant pas recevoir d’anticoagulants.


Prévention et recommandations pour l’entourage

Étant donné la gravité de l’embolie pulmonaire, la prévention revêt une importance particulière, surtout chez les personnes âgées qui cumulent les facteurs de risque. L’une des stratégies clés est la prévention de la phlébite (thrombose veineuse profonde), afin d’éviter qu’un caillot ne se forme dans les jambes et ne migre vers les poumons. Pour cela, les mesures suivantes peuvent être mises en place :

  • Utilisation d’anticoagulants préventifs lors de situations à risque : en milieu hospitalier, il est courant d’administrer de petites doses d’héparine en injection sous-cutanée aux patients alités ou post-opérés pour prévenir la formation de caillots. Chez les personnes âgées à domicile, le médecin peut prescrire des anticoagulants oraux à faible dose en prévention si le risque thrombotique est jugé élevé.
  • Port de bas de contention (bas élastiques) : ces bas médicaux compressifs favorisent le retour veineux dans les jambes et réduisent le risque de stase sanguine. Ils sont particulièrement utiles chez les seniors ayant des varices, une insuffisance veineuse chronique ou en post-opératoire.
  • Maintien d’une activité physique modérée et régulière : encourager la marche quotidienne ou des exercices adaptés aide à activer la circulation. Éviter les périodes prolongées d’immobilité (rester assis ou allongé trop longtemps) est essentiel. En cas de voyage de longue durée (avion, voiture), il est conseillé de se lever régulièrement, de bouger les jambes et de bien s’hydrater.
  • Hydratation suffisante et hygiène de vie : boire régulièrement de l’eau pour éviter l’épaississement du sang, avoir une alimentation équilibrée et éviter le tabac contribuent à réduire le risque de thrombose chez la personne âgée.

En outre, l’entourage et les aidants occupent une place essentielle dans l’accompagnement du patient âgé, que ce soit pour prévenir une embolie pulmonaire ou pour l’aider pendant et après un épisode aigu. Voici quelques recommandations pratiques à l’attention des proches :

  • Veiller à ce que la personne âgée respecte bien ses traitements médicaux (notamment la prise des anticoagulants prescrits après une embolie pulmonaire) et l’accompagner aux rendez-vous de suivi chez le médecin pour surveiller son évolution.
  • Encourager la mobilisation quotidienne, même légère (lever au fauteuil, petits pas dans la maison, exercices de kinésithérapie), afin d’éviter la sédentarité complète. Si la personne est en convalescence alitée, des mouvements simples des jambes peuvent être effectués régulièrement (flexion-extension des pieds, massage des mollets) pour favoriser la circulation.
  • Observer l’apparition de signes d’alerte d’une possible récidive ou complication : un essoufflement soudain, des douleurs thoraciques inexpliquées, un gonflement douloureux d’une jambe ou des saignements inhabituels (chez une personne sous anticoagulants) doivent inciter à consulter sans tarder. Les aidants doivent rester vigilants et ne pas hésiter à contacter les services d’urgence en cas de symptôme évocateur.
  • Adapter le domicile pour réduire les risques de chute ou de blessure, surtout si un traitement anticoagulant est en cours (retirer les obstacles au sol, installer des aides techniques dans la salle de bain, assurer un bon éclairage). Une chute sous anticoagulants peut avoir des conséquences plus sévères en provoquant des hématomes internes, d’où l’importance de la prévention des accidents domestiques.
  • Soutenir moralement la personne âgée pendant sa convalescence : une embolie pulmonaire est un événement éprouvant. Les proches peuvent aider en rassurant le patient, en l’aidant à comprendre les recommandations médicales (régime alimentaire s’il y a des restrictions avec certains anticoagulants, par exemple) et en s’assurant qu’il ne se sente pas isolé face à sa maladie. Cet accompagnement psychologique et pratique favorise une meilleure récupération.

Comparaison avec d’autres pathologies respiratoires

Les symptômes de l’embolie pulmonaire – en particulier l’essoufflement et la douleur thoracique – peuvent ressembler à ceux d’autres pathologies touchant les poumons ou le cœur, qui sont également fréquentes chez les personnes âgées. Il est donc important de distinguer l’embolie pulmonaire d’autres affections afin d’adopter le bon traitement.

Le tableau ci-dessous compare l’embolie pulmonaire avec deux maladies présentant des symptômes respiratoires aigus chez l’aîné : la pneumonie (infection pulmonaire) et l’exacerbation aiguë de BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) :

Affection Mécanisme principal Symptômes typiques Traitement usuel
Embolie pulmonaire Obstruction d’une artère pulmonaire par un caillot sanguin (généralement formé dans une veine profonde des membres inférieurs) Début brutal d’un essoufflement intense, douleur thoracique pleurale, toux sèche pouvant produire des crachats sanglants ; pas de fièvre élevée dans la plupart des cas Anticoagulants en urgence (héparine puis relais oral), oxygénothérapie ; thrombolyse si forme grave (choc)
Pneumonie Infection aiguë du tissu pulmonaire (bactérienne le plus souvent, parfois virale) Début plus progressif, toux souvent grasse avec expectorations purulentes, fièvre élevée (>38,5 °C) fréquente, douleur thoracique possible (type « point de côté »), état fébrile avec grande fatigue Antibiothérapie adaptée (pour éradiquer l’infection bactérienne), hydratation, antipyrétiques (pour la fièvre), kinésithérapie respiratoire pour aider à l’expectoration
Exacerbation de BPCO Aggravation soudaine d’une maladie pulmonaire chronique obstructive (souvent déclenchée par une infection respiratoire ou un irritant bronchique) Essoufflement aggravé brutalement sur un terrain de dyspnée chronique, sifflements (« wheezing ») à l’auscultation, augmentation du volume des crachats (généralement clairs ou purulents si infection) ; fièvre absente ou modérée Bronchodilatateurs inhalés (pour dilater les bronches), corticothérapie (anti-inflammatoires), oxygénothérapie si nécessaire ; antibiotiques si une infection bactérienne est en cause

Comme le souligne ce tableau comparatif, l’embolie pulmonaire se caractérise par une apparition brutale et par l’absence fréquente de forte fièvre. À l’inverse, la pneumonie s’accompagne presque systématiquement d’un état fébrile lié à une infection. L’exacerbation de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), pour sa part, concerne principalement des personnes ayant une longue histoire de tabagisme. Elle se manifeste par une aggravation de troubles respiratoires déjà connus.

Face à un essoufflement soudain chez une personne âgée, le rôle du médecin est de déterminer avec précision l’origine du trouble, car chaque cause implique une approche thérapeutique différente. Pour cela, une évaluation clinique rigoureuse est essentielle.

Elle peut être complétée, si nécessaire, par des examens comme une radiographie des poumons, un scanner thoracique, un électrocardiogramme ou encore des analyses de sang. Ces éléments permettent d’orienter rapidement vers le bon diagnostic et de mettre en place le traitement le plus adapté.

À lire également

À la une

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous devez remplir ce champ
Vous devez remplir ce champ
Veuillez saisir une adresse e-mail valide.
Vous devez accepter les conditions pour continuer